15 juillet 2011

Le rouge est mis !!


Ces derniers temps, on a vu des jeunes gens rentrer chez les cavistes avec à la main un manga intitulé Les gouttes de Dieu, dans les pages cornées duquel ils ont surligné quelques noms. Signée des Japonais Tadashi Agi et Shu Okimoto, cette étrange bible est en fait l’histoire exaltante d’une initiation : pour prendre possession de l’inestimable collection de grands vins d’un célèbre œnologue, ses deux héritiers potentiels doivent identifier 13 mystérieux vins à l’aide d’énigmes. Parsemé de noms de châteaux plus ou moins abordables, le manga est pour certains lecteurs le premier contact avec le monde du vin – un contact plus naturel que ne l’aurait été la lecture d’un docte volume tel qu’il y en a de plus en plus dans les rayons des librairies taiwanaises, dont Le goût du vin d’Emile Peynaud et Jacques Blouin qui vient de sortir en traduction chinoise.

Rouge et français

Les vins français sont nettement en tête des ventes à Taiwan depuis une décennie, s’arrogeant environ 55% d’un marché qui pesait, en 2008, 66 millions d’euros.

En 2009, selon les statistiques des douanes taiwanaises, Taiwan a importé plus de 10,5 millions de litres de vin en bouteille, sans compter les vermouths et autres vins aromatisés. Sur ce total, les importations en provenance de France s’élevaient cette année-là à 4,2 millions de litres, loin devant le Chili (1,15 million), l’Australie (1,1 million) et les Etats-Unis (900 000 litres).

Pour la France, qui en 2008 a exporté pour 6,8 milliards d’euros de vins de raisin selon des statistiques d’Ubifrance, le marché taiwanais n’est pas le plus grand, mais il a son importance. Selon une étude publiée par Vinexpo en 2007, Taiwan était en 2005 au 4e rang des pays consommateurs de vins tranquilles en Asie, derrière la Chine (Hongkong inclus), le Japon et la Corée du Sud. A Taiwan, lit-on dans le rapport préparé par Vinexpo, la consommation de vins tranquilles a augmenté de 70,83 % entre 2001 et 2005. Selon les professionnels, après un creux en 2009, la consommation est repartie de façon très encourageante.

Les rouges se vendent beaucoup mieux que les blancs. La proportion tourne aujourd’hui autour de 70% pour les rouges contre 30% pour les blancs, ces derniers faisant actuellement une percée. Quant au champagne et aux vins pétillants, ils ne représentent qu’une infime partie du marché, les Taiwanais étant d’une manière générale assez réticents face aux boissons gazeuses, alcoolisées ou non.

Pourquoi les vins rouges ? Dans les années 90, sans doute, c’est la couleur qui a été la principale motivation des acheteurs, car c’est celle du bonheur dans la culture chinoise. Le vin rouge se prête donc particulièrement aux occasions festives comme les mariages et les banquets où, ces dix dernières années, il a progressivement remplacé le cognac et les vins chinois au moment des traditionnels toasts.

Il doit aussi une partie de sa popularité à la réputation de « boisson santé » qui lui a été forgée dans les médias. Comme le chocolat noir, le vin rouge est, pour les Taiwanais, souvent paré de l’auréole du remède miracle. On en boit contre les maladies cardiovasculaires (sous l’influence d’une abondante littérature sur le fameux French Paradox), l’insomnie… Associé au fromage, il est même parfois conçu comme la base d’un régime amaigrissant ! Valérie Pearson, formatrice à la dégustation, qui analyse les tendances du marché taiwanais depuis juillet 2007 et a travaillé dans l’île pour des grands groupes de distribution, raconte ainsi avoir souvent entendu qu’il était bon pour les personnes âgées de boire un petit verre de vin rouge le soir avant de dormir…

Auteur : Laurence Marcout pour Taiwan Aujourd'hui.




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01 juillet 2011

Combats de chefs !!

L’ouverture à Taipei d’un Atelier de Joël Robuchon en novembre 2009, dans le très chic centre commercial Bellavita, en plein cœur des nouveaux quartiers de l’est, a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Si des grandes toques françaises officient parfois pendant quelques semaines dans l’île à l’invitation des grands hôtels, c’est la première fois en effet que l’une d’entre elles fait le pari d’une implantation à Taipei. Beaucoup ont voulu y voir le signe que la capitale s’est suffisamment internationalisée pour accueillir une maison d’un tel prestige. D’autres suivront, croit-on savoir dans les milieux informés en annonçant par exemple l’arrivée d’une enseigne Yannick Alleno courant 2011. Des frémissements qui font saliver les gastronomes taiwanais.

Les restaurants français ne manquent pourtant pas à Taiwan, et dans l’univers culinaire des Taiwanais, la cuisine française n’est pas ressentie comme la plus exotique. Dans certains quartiers, on compte quatre ou cinq « restaurants français » au kilomètre carré, preuve que cette offre est particulièrement attirante. Toutefois, l’expression « cuisine française » regroupe ici des réalités très diverses – on est tenté d’utiliser le mot « mythe » – qui auraient peut-être inspiré à Roland Barthes de savoureuses analyses. C’est que les vraies saveurs françaises restent assez méconnues du Taiwanais moyen qui continue par exemple de croire que le « pain français » doit absolument être tartiné de beurre aillé et repassé au four, ou que la salade doit être noyée de mayonnaise au ketchup. Il n’empêche qu’une belle clientèle de gourmets commence à prendre corps, à la faveur de l’ouverture toujours plus large de Taiwan aux influences étrangères. Les Taiwanais voyagent davantage qu’autrefois, ont les moyens de se faire plaisir et deviennent par conséquent plus exigeants.

Initiations

« Tout a commencé à la fin des années 80 au Ritz [rebaptisé depuis Landis], avec Jean-Claude Herchembert », se souvient Bernard Noël, aujourd’hui chef des cuisines à l’hôtel Formosa Regent. Lui-même fit un premier séjour à Taiwan en 1989, après notamment un passage apprécié à la Tour d’argent de Paris puis l’ouverture d’un restaurant pour la même enseigne à Tokyo en 1984. Taiwan émergeait alors à peine de plusieurs décennies d’isolement diplomatique et de loi martiale. « A l’époque, nous avions très peu de produits importés à notre disposition. La viande arrivait congelée… On faisait ce qu’on pouvait », lâche-t-il, laconique. Au départ, Jean-Claude Herchembert proposera donc plutôt une cuisine régionale destinée en priorité à la clientèle expatriée de Taipei. Par la suite, grâce à lui, le Ritz opérera une montée en gamme, avec le Paris 1930. Même chose au Sheraton, où Bernard Noël est recruté en 2004 pour reprendre le restaurant français Chez Antoine, lequel est alors déjà une valeur sûre.

Aujourd’hui, dit le chef haut-marnais, la grande gastronomie française est représentée par L’Atelier de Joël Robuchon bien sûr, mais aussi Villa 32 ou encore le Paris 1930 pour ce qui est des restaurants hébergés par des hôtels, ainsi qu’une poignée de très bons restaurants indépendants servant une clientèle prête à mettre le prix pour une expérience culinaire sophistiquée. La « province » elle aussi a sa communauté de gastronomes aisés qui se pressent par exemple à La Maison à Kaohsiung ou chez Le Moût à Taichung. Cela dit, il faut bien reconnaître, reprend Bernard Noël, que proposer de la gastronomie française à Taiwan reste « difficile… ».

Auteur:Laurence Marcout


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