30 décembre 2009

L'envolée du Vélo pliant à Taiwan !!!

Se rendre au bureau en vélo est devenu un signe d’élégance. Déjà populaires en Europe et au Japon, les vélos pliants Pacific ont aussi conquis Taiwan, où 100% de leurs composants sont fabriqués et assemblés
Reine du sur-mesure, Pacific adapte les fonctionnalités de ses vélos aux différents besoins de ses clients. (AIMABLE CREDIT DE PACIFIC CYCLES)
Une fois replié, le Birdy mesure seulement 72 x 39 x 60 cm. (AIMABLE CREDIT DE PACIFIC CYCLES)

Professeur d'anglais reconverti dans les cycles, Georges LIN a conçu lui même bon nombre de modèles de la marque qu'il a fondée il y a 29 ans.

Ses propriétaires le surnomment « l’oiseau », mais ce sobriquet n’a rien de vache : le vélo pliant Birdy, fabriqué par Pacific, n’est pas du genre à passer la nuit dehors, mais plutôt à l’abri, au « nid ». Avec les marques anglaise Alex Moulton et américaine Bike Friday, Pacific domine le marché du vélo pliant ou démontable haut de gamme. Le Birdy a bonne réputation et est en tête des ventes sur ce segment, avec 10 000 unités écoulées chaque année depuis 1997. Son prix est d’ailleurs très bon marché comparé à ceux pratiqués par Alex Moulton, dont les plus beaux exemplaires flirtent avec les 10 000 euros (environ 430 000 dollars taiwanais).Le prix des vélos pliants varie beaucoup à Taiwan. Parmi les fabricants insulaires, Merida propose des modèles vendus entre 2 500 et 30 000 dollars taiwanais, ceux de Giant vont de 4 000 à 10 000 dollars, quand les prix de KHS s’échelonnent entre 15 000 et 30 000 dollars. Pacific fait à cet égard figure de Rolls-Royce. Il faut compter au moins 30 000 dollars pour un Birdy, et certains modèles peuvent atteindre 100 000 dollars.Pourquoi une telle différence de prix ? Contrairement à ses concurrents insulaires, 100% de ce que produit Pacific est made in Taiwan et en partie réalisée à la main. Même avec l’explosion du marché des cycles, l’entreprise a en effet choisi de conserver ses procédés de production alliant lenteur et pragmatisme. George Lin, son président, a développé le Birdy avec des ingénieurs allemands. Signe de l’amélioration constante apportée à cette série, certains fans possèdent même un exemplaire de chacun des modèles commercialisés au cours des 15 dernières années. Depuis son lancement, en 1994, les prix sont restés inchangés, précise George Lin. Il ajoute que le délai de six mois en vigueur pour la livraison résulte simplement de ruptures de stock plutôt que d’une volonté d’organiser la pénurie. S’il doit son surnom à son poids plume (seulement 10 kg) et à sa taille compacte (72 x 39 x 60 cm, une fois plié), le Birdy se distingue avant tout par la géométrie de sa fourche avant. Celle-ci fait d’une pierre deux coups en plaçant l’un des axes de pliage de la bicyclette au point de contact du cadre et de la suspension. Alors que la plupart des vélos pliants rabattent la roue avant sur la roue arrière à l’aide d’un unique point de pliage situé au milieu du cadre, le Birdy en compte deux, aux extrémités. Cela accroît la résistance du cadre et permet aux cyclistes de plier ou déplier leur vélo en seulement 10 secondes.

« Les vélos des autres fabricants diffèrent seulement par le nom de la marque qu’on plaque sur le cadre, dit George Lin. Que l’on retire l’étiquette et ils se ressemblent tous. Les vélos Pacific sont différents. Même au Japon, où, pour des questions de dépôt de marque, nous avons été contraints de vendre le Birdy sous le nom de BD1, tout le monde reconnaît instantanément notre modèle. »


Un objet cultePacific emploie 116 personnes, dont seulement une cinquantaine pour l’assemblage des vélos et une vingtaine chargées du développement de nouveaux modèles. Bien sûr, des inventeurs du monde entier suggèrent souvent de nouvelles idées et propositions de partenariats. « Nous faisons tout nous-mêmes – des premières ébauches à l’assemblage, en passant par les prototypes, confie cependant George Lin. C’est la seule manière pour nous d’avoir entière confiance dans nos produits. »Une grande minutie est apportée à la fabrication des vélos, avec pour priorité leur simplicité d’utilisation. Chaque modèle est le fruit d’un long processus de conception assisté par ordinateur. Le coût d’un moulage s’élevant à 2,5 millions de dollars, la simulation informatique est en effet privilégiée.Ensuite, à chaque étape de la production – soudure, traitement thermique, peinture et assemblage – la qualité est étroitement contrôlée. L’attention portée par Pacific à l’alignement du cadre de ses vélos en est un excellent exemple. La plupart des fabricants ne procèdent qu’à un seul réalignement du cadre, à l’issue du traitement thermique. Pacific, au contraire, redresse ses cadres à chaque étape de l’assemblage pour s’assurer qu’ils ne se déforment pas, un degré de perfectionnisme loin d’être atteint par les fabricants ayant entièrement automatisé leur production.Là où la plupart des fabricants procèdent à la chaîne, les ouvriers de Pacific consacrent près d’une heure à l’assemblage de chaque vélo. Pour cette raison, la société n’a même pas jugé bon de déposer des brevets. « Nous ne craignons pas les imitations, affirme George Lin. Personne ne peut copier nos vélos ni n’est prêt à en fabriquer de cette façon.»


La fourche avant du Birdy fait d’une pierre deux coups en plaçant l’un des axes de pliage de la bicyclette au point de contact du cadre et de la suspension.


Echappée belle :


« Taiwan a des capacités manufacturières extraordinaires, dit-il, mais la plupart des fabricants ont privilégié la réduction des coûts et la production de masse. » Pacific a suivi le chemin inverse, en misant sur la technologie. « Nous n’essayons pas de grossir, ni de devenir le numéro un. Nous cherchons seulement à nous développer de manière durable », affirme l’entrepreneur.Au cours des 15 dernières années, Pacific s’est surtout reposée sur le bouche-à-oreille et la vente en ligne pour assurer la commercialisation de ses produits. Elle a aussi conservé l’habitude de ne fabriquer un vélo qu’après le dépôt d’un acompte et de ne le livrer qu’au paiement du solde.A côté de la fabrication de bicyclettes sous sa propre marque, l’entreprise développe aussi des modèles en sous-traitance pour plus de 10 fabricants différents. Le label « conçu par Pacific » compte alors autant, sinon plus, que la marque sous laquelle ils sont vendus.En fait, Pacific n’a pas toujours été spécialisée dans la production haut de gamme et à faible volume. Etablie en 1980, elle a d’abord suivi les traces de Giant ou de Merida, atteignant en 10 ans des ventes annuelles d’un milliard de dollars taiwanais. Mais la récession économique de 1992 en Allemagne, où Pacific a une filiale, l’a obligée à réduire les coûts. La société a supprimé des chaînes de production et choisi de se concentrer sur les vélos pliables, plus rentables.Entre 1992 et 2005, Pacific a remonté la pente grâce à la sous-traitance. Mais George Lin a vite senti que l’absence de politique commerciale faisait du tort à sa marque. En 2000, il a décidé de redonner progressivement la priorité à ses propres modèles, et a préparé la relance de Pacific, en 2006, avant tout sur le marché taiwanais, où il réalise maintenant près du quart de ses ventes.Etant donné la crise économique mondiale en cours, George Lin se félicite d’avoir ainsi réduit la voilure. Dans la zone industrielle de Yong’an, dans le district de Taoyuan, les panneaux « à vendre » ou « à louer » fleurissent. Pacific, elle, se porte bien et fait construire un nouveau site de fabrication à quelques centaines de mètres de son siège.





Tendance urbaine

Le succès de George Lin ne repose pas uniquement sur la maîtrise technologique acquise par sa société, mais aussi sur sa capacité à anticiper les modes tout en restant fidèle à ses idées. Le cœur de marché de Pacific n’est en effet ni le loisir ni la compétition, mais l’utilisation du vélo pliant pour des trajets urbains d’une trentaine de minutes, en combinaison avec les transports en commun. L’engouement actuel pour les vélos pliants est donc une aubaine.

« Quand les gens utilisent leur vélo pour circuler en ville, et se rendre au travail ou à l’école, cela est bon pour leur santé et pour l’environnement », rappelle George Lin. L’attention portée à l’environnement se concrétise aussi par l’utilisation d’alliages en aluminium plutôt qu’en fibre de carbone : bien que légère et résistante, cette dernière ne peut être recyclée. « Alléger un vélo de 500 g ou même d’un kilo n’est pas l’essentiel. C’est encore plus vrai pour les vélos produits par Pacific qui, pliés, peuvent être portés comme une valise. »

Poussée par la popularité du Birdy, Pacific a développé trois autres séries de vélos pliants. La série Reach (la préférée de George Lin) rassemble des vélos de compétition qui, peu après leur commercialisation, ont commencé à figurer sur le podium des courses locales de triathlon. Les modèles de la série CarryMe sont des vélos-parapluies très faciles à emporter dans les transports en commun. Enfin, les modèles de la série iF regorgent d’innovations, tout en pouvant être pliés en seulement trois secondes.

Les premières brochures publicitaires de la marque n’ont été imprimées qu’en 2006 et, bien qu’elle soit présente dans 10 pays, une stratégie marketing intégrée et des distributeurs fiables lui font défaut. La société est en train de remédier à ces lacunes, en mobilisant ce qui fait sa force : l’endurance et la détermination.


Source

Chang Chiung-fang
HSUEH CHI-KUANG / TAIWAN PANORAMA

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15 décembre 2009

TAIPEI d'autrefois et ses changements !!


La rue Hengyang dans les années 60, bordée de maisons typiques de la dynastie Qing, était celle des librairies, où les élèves des lycées et écoles proches venaient s’approvisionner. La célèbre librairie Zhengzhong (au carrefour à droite), fondée à Nankin en 1931, s’y installa en 1949, avec d’autres aussi célèbres et toujours existantes. La rue, située près de la gare, fut l’un des centres les plus animés de la ville jusque dans les années 80. Aujourd’hui, la librairie Zhengzhong accueille toujours les clients rue Hengyang mais elle est dominée par des immeubles de 20 étages.
Un des rares vestiges de l’époque, le petit immeuble où s’est installé un café appartenant à une chaîne américaine
.




La ville de Taipei a-t-elle une histoire ? Le promeneur peu avisé pourrait en douter lorsqu’il déambule le long de ces avenues hérissées d’immeubles au modernisme sans âge, surchargées de panneaux publicitaires clignotants, perdu dans ce qui apparaît comme une mer urbaine sans logique, si ce n’est celle de l’impératif commercial. Dans une cité extrêmement dense, où on ne s’embarrasse pas particulièrement des vieilles pierres, il peut en effet sembler difficile de retrouver les traces d’un passé qui reste pourtant encore vivace dans la mémoire de toute une génération.
Depuis les premiers villages des commerçants chinois du début du XIXe s., le long de la Danshui, où les navires marchands accostaient, la ville n’a cessé de progresser vers l’est, au rythme de l’arrivée des migrants et de l’expansion des activités économiques. Les grandes lignes en ont été dessinées par le colonisateur japonais. En 1945, l’archipel vaincu lègue à la Chine du Kuomintang une cité où les maisons en bois de style nippon dominent le paysage. De longues avenues parsemées de ronds-points repris de la tradition urbaine anglaise sont rythmées par les bâtiments néobaroques d’inspiration occidentale qui abritent les administrations coloniales. A cette époque, Taipei ressemble à un gros bourg de province aux allures champêtres. En 1949, l’arrivée soudaine du continent chinois de deux millions de soldats et de civils, avec le Kuomintang, provoque une première excroissance urbaine, désordonnée parce que censée être provisoire, la reconquête du continent étant jugée proche. L’exode rural qui débute dans les années 60 achève de déstructurer la ville dont la densité croît. La municipalité décide alors, en 1969, du premier plan de développement urbain. Les champs de rizières voisinent avec des immeubles neufs, le long des avenues qui portent désormais des noms issus de l’idéologie confucéenne ou faisant référence à Tchang Kaï-chek. Dans les années 70, le miracle économique aidant, la demande en logements devient exigeante. La ville prend progressivement de la hauteur, change d’échelle, et se développe vers l’est. Les années 80 sont celles de la modernité triomphante et des grands travaux, à l’image des succès économiques que Taiwan engrange. On rase pour construire et le visage de Taipei change. Le centre de gravité de la capitale continue de se déplacer vers l’est. Les années 90 sont témoins de transformations majeures avec la construction du réseau métropolitain. Aujourd’hui, au pied de la Tour 101, point d’orgue de la croissance vers l’est, la distance avec ces cinq dernières décennies paraît plus d’un siècle.





La gare de Taipei en 1972. Construite en 1940 et détruite en 1988 pour faire place à une imposante structure et à son réseau souterain, elle fut le témoin, durant les années 50 et 60, de l’arrivée à la capitale de milliers d’habitants du sud de l’île avec leur baluchon venus chercher travail, fortune et avenir. Certains racontent qu’ils sont restés une journée sur l’esplanade de la gare, n’osant traverser la rue Zhongxiao, tant la circulation les impressionait.
Désormais, ce sont les couloirs de la station de métro Taipei Main Station qui permettent de la traverser.










Vue du sud de Taipei, en 1979, avec l’avenue Roosevelt, dont la plupart des arbres ont été abattus lors de la construction de la ligne de métro reliant Xindian à la Gare. A cette époque, les immeubles de grande hauteur n’avaient pas encore envahi le paysage urbain comme aujourd’hui.
L’avenue était bordée de maisons typiquement japonaises, en bois. Rares sont celles qui ont échappées aux bulldozers, comme ci-dessous.









Le marché Yuanhuan, sur la portion ouest de la rue Nanjing (ici en 1963)
fut le premier marché de nuit de Taipei. Situé dans la partie nord-ouest de la ville, on s’y rendait à pied, depuis la gare, pour se restaurer et assister à toutes sortes de spectacles de rue. Dans les années 90, l’activité du marché de nuit décline avec le déplacement vers l’est des quartiers de loisirs. En 2001, après deux incendies en 1996 et 1999, et pour régler les problèmes de salubrité, la mairie de Taipei décide de reconstruire le bâtiment dans l’espoir de relancer son activité.
C’est un échec commercial et le plus vieux marché de nuit de Taipei est aujourd’hui fermé. L’immeuble, à droite, existe toujours. La jeep militaire que l’on aperçoit à droite rappelle la présence de l’armée américaine.






La rue Wuchang dans les années 70. Située non loin de la gare, elle fut l’une des rues les plus commerçantes de la capitale. Première destination des gens du sud fraîchement débarqués, c’est là qu’ils commençaient à chercher du travail.
La rue fut l’objet d’un programme de réhabilitation à la fin des années 80 et accueille aujourd’hui des friperies.








Sur l’avenue Zhonghua qui traverse le carrefour de Ximenting s’élevait jusqu’en 1992 le fameux marché Zhonghua. Jadis plus grand marché de Taipei, on y trouvait en 1961, date de sa construction, des boutiques de vêtements, de soie, de calligraphies et de jade, des quincailleries et toutes sortes de petits magasins mais aussi de petits restaurants majoritairement tenus par les Chinois arrivés en 1949. Autrefois destination privilégiée des touristes japonais, son activité décline au début des années 80 avec le déplacement du centre de gravité de Taipei vers l’est.. Avec le projet d’enterrer la voie ferrée, et que l’on aperçoit à droite, est prise la décision de détruire le marché.
Aujourd’hui, il ne reste rien de ce quartier bouillonnant tandis que l’habitat a gagné en hauteur.









Le quartier de Ximenting dans les années 60. Comme la rue Wuchang, toute proche, c’est aujourd’hui un des endroits à la mode où converge la jeunesse de Taipei. Il reste ainsi fidèle à sa première vocation. Si le commissariat de police et son immeuble sont toujours là, le rond-point, héritage de l’urbanisme de l’époque coloniale, a disparu dans les années 80. Il s’agissait d’élargir la rue Zhonghua et de donner la priorité à la fluidité de la circulation.





En 1971, au carrefour de l’Avenue Ren-Ai et de l’Avenue Dunhua, au centre de Taipei, rien ne laissait présager de la très forte urbanisation qui allait suivre. On retrouve un des larges ronds-points construits par les Japonais.
Très vite et sous l’influence américaine, on rabote les ronds-points pour laisser place à la circulation.







La portion sud de l’avenue Dunhua, où se concentre aujourd’hui un des quartiers d’affaires de Taipei, a été largement construite. Au carrefour avec la portion est de l’avenue Nanjing, désert en 1975, s’élève aujourd’hui le centre commercial Asiaworld. L’International Building existe encore tandis que sur la droite,
le stade qui abritait les championnats de base-ball a laissé la place en 2004au Taipei Arena, un complexe sportif ultramoderne qui accueillera les Jeux olympiques des sourds en septembre prochain. L’école Tonghua, intacte à gauche, continue de voir défiler des générations d’élèves.





Le croisement des avenues Zhongshan et Zhongxiao, où se trouve le siège du gouvernement, a été le témoin d’une évolution accélérée. En 1966 (ci-dessus), l’influence japonaise est évidente tandis que la statue de Tchang Kaï-chek porte son regard vers l’ouest et le continent. Le pont sur la gauche enjambe la ligne de chemin de fer, qui sera par la suite enterrée. Deux années plus tard, en 1968, dans le souci de décongestionner cette partie de la ville et de fluidifier la circulation nord-sud, un nouveau pont (ci-dessous), le pont Fuxing, symbole de la place prise par la voiture, traverse le carrefour tandis qu’une voie souterraine passe sous le rond-point, le long de l’avenue Zhongxiao.
En l’espace de 2 années, les traces de la colonisation japonaise disparaissent et la modernité s’installe. Avec l’enterrement de la voie ferrée et la création d’autres axes de circulation, le pont est détruit en 1995, les immeubles ont poussé tandis que le siège du gouvernement a vu ses annexes s’agrandir et se moderniser.



PHOTOS D’ARCHIVES DU MINISTÈRE DE L’INFORMATION ET DE HUANG CHUNG-HSIN.

Remerciements : Liu Sy-Rong, chef de division au département du Développement urbain de la Mairie de Taipei

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01 décembre 2009

Le Gardien du Temple du musée national du Palais à Taipei.



Depuis une quarantaine d’années, Yang Yuan-chyuan a le privilège rare d’avoir quotidiennement accès aux trésors du musée national du Palais.





Quelle n’a pas été la stupeur du public, début 2007, lorsqu’une photo parue dans la presse locale a mis en évidence la disparition d’une des antennes de la katydide sculptée sur le fameux « Chou chinois de jade » conservé au musée national du Palais (NPM). L’objet, qui provient des collections impériales chinoises, reproduit de façon incroyablement réaliste un chou chinois sur lequel sont posés deux insectes, une katydide et un criquet. La « blessure » de la katydide était un vieux secret de polichinelle, mais la nouvelle a fait sensation, la presse se demandant si l’antenne serait ou non réparée…









Conserver plutôt que réparer


Techniquement, cela ne poserait guère de difficultés, assure Yang Yuan-chyuan, le directeur du département de la Conservation, et par le passé, le NPM ne s’est pas privé de se livrer à des réparations parfois audacieuses. Ces dernières années, c’est une approche différente qui a été adoptée, sous l’influence des principes en vigueur dans les musées occidentaux, à savoir, à chaque fois que cela est possible, se contenter d’un simple nettoyage des pièces, et pour celles qui sont endommagées, les conserver en l’état lorsque les dégradations n’affectent pas leur structure ou leurs qualités esthétiques. Certains musées vont même jusqu’à essayer d’effacer le travail de restauration pour redonner à la pièce son apparence première, quitte à laisser visibles les dommages qu’elle a pu subir. « Avec la conservation, indique l’expert, l’idée de base est de préserver les objets d’art plutôt que de les restaurer. » Il s’agit de faire en sorte de suspendre l’outrage du temps, ajoute-t-il en expliquant que les fêlures, voire les dommages plus importants, font partie des pièces et témoignent de leur histoire.
« Dans les musées occidentaux, les sculptures exposées ne sont-elles pas souvent incomplètes ? » En remplaçant les parties manquantes et en masquant les cassures par une nouvelle couche de couleur, on empêche les visiteurs de voir l’œuvre dans son aspect originel. Pire, les restaurations sont parfois irréversibles, ce qui est dramatique lorsqu’elles ont été mal faites. Il vaut donc mieux souvent ne rien faire du tout en partant du principe que « le mieux est l’ennemi du bien ». L’essentiel est que les œuvres apparaissent dans toute leur antiquité…



Chaque pièce à restaurer est placée sur un plateau capitonné. Elle est examinée à la loupe avant d’être passée aux rayons X.









L’exode

Quatrième musée du monde par l’importance de ses collections — plus de 660 000 pièces —, le NPM a lui-même été en but aux aléas de l’histoire. Sa création, à Pékin, remonte à 1925, après la destitution du dernier empereur, Pu Yi. Quelques années plus tard, les Japonais envahissaient la Chine par la Mandchourie, et le gouvernement nationaliste ordonna le déménagement des trésors impériaux d’abord à Shanghai, puis à Nankin, dans le Jiangsu, Changsha, dans le Hunan, Guiyang, dans le Guizhou, et enfin dans le Sichuan. L’exode reprit avec la guerre civile, et les collections furent évacuées en catastrophe vers Taiwan en 1949 à bord d’un bâtiment de la marine nationale, alors que le gouvernement nationaliste se repliait sur l’île. Les caisses furent entreposées à Wufeng, dans le district de Taichung, alors siège de la Province de Taiwan. Elles y restèrent jusqu’à l’achèvement, en 1965, du musée construit pour les abriter, à flanc de colline, dans le quartier de Waishuangxi, à Taipei. Au cours de cette longue pérégrination, les trésors impériaux ont parcouru des dizaines de milliers de kilomètres dans des conditions difficiles. En ce temps-là, les conservateurs avaient rarement une formation scientifique et ne s’inquiétaient guère des dégâts invisibles à l’œil nu. Dans le climat tropical humide de Taiwan, cette attitude se révéla désastreuse. En 1969, le NPM réagit et se dota d’un département spécifique pour la préservation des collections, utilisant les méthodes occidentales. C’est Yang Yuan-chyuan qui, après des études à l’Université chrétienne Chung Yuan de sciences et d’ingénierie, fut le premier à être envoyé à l’étranger par le musée se former aux techniques modernes de la conservation.
C’était il y a quarante ans, et il a depuis dévoué toute sa carrière aux collections du musée.Yang Yuan-chyuan explique que les fonds du NPM peuvent être répartis en trois catégories : les bronzes, céramiques et autres récipients ; les calligraphies et peintures ; et les livres. Au départ, chaque catégorie avait son propre département de restauration et conservation, mais ces ressources sont aujourd’hui rassemblées dans un seul service comptant une douzaine d’experts, ce qui est plus ou moins la norme dans les autres grands musées à travers le monde.


Cela peut paraître surprenant, mais les peintures anciennes sont nettoyées à l’eau tiède. Les points de moisissure sont éliminés avec des produits nettoyants spécifiques. (AIMABLE CREDIT DU NPM)

La science au service de l’art


Les objets d’art s’altèrent différemment selon leur matériau de base. La dégradation est en général plus rapide pour le papier, le bronze, le cloisonné, ainsi que pour le bambou, le bois, l’ivoire, l’os, les textiles et autres matériaux organiques. D’une manière générale, les matières minérales sont moins affectées par le temps qui passe, de même que les céramiques si elles ont été cuites à une température supérieure à 1 250 °C.Les dommages peuvent avoir des causes chimiques, physiques ou biologiques..
Lorsqu’un objet endommagé est confié au département de la conservation, il est examiné par des experts de ces trois domaines, plus un artiste. « C’est comme un hôpital dans lesquels les patients seraient des objets », commente Yang Yuan-chyuan. Au mur, des pense-bêtes rappellent les méthodes utilisées dans chaque cas, selon le matériau de base. Les pièces ordinaires sont conservées à une température de 20 à 22 °C et une humidité relative de 55 à 60%, sous une lumière inférieure à 50 lux. Pour le bronze, le degré d’hygrométrie doit être maintenu entre 40 et 45%, tandis que pour la laque, celui-ci doit être compris entre 60 et 65%. Les œuvres peuvent aussi être affectées par la qualité de l’air ambiant ou par la présence des fluides volatiles utilisés pour la conservation de certains matériaux (l’alcool ou le toluène par exemple), et c’est une question à laquelle les experts accordent aujourd’hui une grande importance. Les objets nécessitant une intervention sont placés dans des boîtes ou casiers conçus spécialement, dans lesquels ils sont transportés jusqu’au département de la conservation. Celui-ci dispose de son propre véhicule équipé un peu comme les ambulances, dans lequel les casiers peuvent se fixer comme des brancards. Une fois l’objet arrivé à l’« hôpital », la procédure est un peu la même que pour les grands blessés : on examine d’abord la fiche du « patient » pour savoir s’il a déjà subi des traitements. Cette fiche est si importante qu’elle aussi est conservée à température et humidité constantes. Et il est strictement interdit de la punaiser ou de la coller quelque part, ni de lui infliger quelque dommage que ce soit.


Cette peinture ci-dessus intitulée L’immortel Cai Zhi date vraisemblablement de la dynastie Song, mais on ne connaît malheureusement pas l’identité de l’auteur. Elle est vue ici avant et après restauration. (AIMABLE CREDIT DU NPM)

La préparation du « patient


Au moment de l’examen clinique, avant que l’objet ne passe sur la table d’opération, l’équipe discute avec le conservateur responsable de la nécessité des traitements suggérés. L’objet est ensuite inspecté, mesuré, pesé et photographié sous toutes les coutures. Une inspection plus rigoureuse suit, à la loupe ou au microscope, et si nécessaire, on prend des clichés radiographiques. Ceux-ci révèlent parfois des secrets millénaires. Ainsi, pour les bronzes, ils permettent de détecter en toute sécurité la présence de bulles d’air ou d’endroits où l’artisan a dû s’y prendre à deux fois parce que le métal en fusion n’a pas rempli le moule de façon parfaite au premier coup. Les radios montrent également si la structure de la pièce a été altérée, et si elle transporte des « clandestins » — des insectes ou des moisissures. Les réparations antérieures apparaissent aussi nettement. On peut même utiliser les rayons X pour déchiffrer les inscriptions gravées qui ont été rendues illisibles par la corrosion. Yang Yuan-chyuan explique comment la radiographie d’une assiette de porcelaine qui semble intacte au premier regard a permis de se rendre compte qu’elle avait été brisée et restaurée avec beaucoup de talent, l’artisan ayant camouflé les traces de son intervention en reprenant à l’identique les motifs colorés. Les rayons ultraviolets sont parfois utilisés pour faire parler les objets, mais dans tous les cas, dit Yang Yuan-chyuan, la priorité est donnée à des techniques non destructrices et non invasives. Les radiographies et les rayons ultraviolets, dit-il, sont un « 3e œil » indispensable, tout comme les scanners dont les neurochirurgiens ne pourraient plus se passer aujourd’hui. Les techniques de conservation sont en réalité en constante évolution. Lorsque le NPM et l’Université nationale Tsing Hua ont élaboré ensemble le Projet de recherche sur les objets culturels chinois en 1976, ils ont exprimé leur préférence pour l’activation neutronique dans l’analyse des bronzes et les porcelaines. Ces dernières années, c’est la spectrométrie de fluorescence X qui est privilégiée pour les analyses qualitatives de la composition des pièces. La connaissance des matériaux n’est pas tout : les experts doivent aussi souvent avoir recours à leur intuition afin de décider jusqu’où aller dans leur travail de restauration — et là, la sensibilité artistique est essentielle. Pour garantir la qualité du travail de conservation, celui-ci est toujours fait dans les laboratoires du NPM. C’est que même pour les tâches les plus simples comme le nettoyage, on n’a pas droit à l’erreur. Le travail de conservation est guidé par plusieurs principes de base, au premier rang desquels figure la réversibilité des travaux. Il doit toujours être possible de retirer les produits appliqués ou de défaire les réparations sans entraîner de dommage supplémentaire. Par exemple, on n’effectuera aucun travail de soudure sur un bronze, et on ne collera rien sur une surface en papier.

Les bronzes

Les objets en bronze nécessitent un entretien régulier. Les pièces datant des dynasties Shang et Zhou ont passé deux à trois mille ans enterrées, au contact direct de la terre ou bien enfermées dans des tombes humides.
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’elles soient ternies. Ce n’est pas forcément un problème, et les collectionneurs apprécient certaines altérations des couleurs qui témoignent du grand âge des objets. En outre, le vert-de-gris protège le métal. Seule la corrosion causée par le chlore — la maladie du bronze — est irréversible. Pour stabiliser la situation en attendant un traitement, on place l’objet dans une boîte fermée dans laquelle l’humidité est maintenue en dessous de 45%. Yang Yuan-chyuan note qu’il existe différentes méthodes pour traiter la maladie du bronze, chacune ayant ses inconvénients.
Il préfère pour sa part utiliser un solvant naturel additionné d’acétone et de toluène pour nettoyer la pièce, avant de la baigner dans un mélange de benzotriazole et d’alcool pendant une journée. Les réactions chimiques qui résultent de cette opération produisent un film protecteur stable. L’objet, séché sous vide, prend une teinte légèrement plus foncée et perd un peu de son éclat, mais est ensuite à l’abri de la corrosion.






Les experts du NPM discutent une radiographie avant de décider des actions à entreprendre.













La porcelaine


La vaisselle en porcelaine est particulièrement fragile. Avant réparation, elle doit être nettoyée. Si elle a déjà fait l’objet d’une restauration, la ligne de fracture est badigeonnée avec du peroxyde d’hydrogène afin d’assouplir l’adhésif.
La poussière et les taches de graisse sont éliminées avec précaution à l’aide d’un coton imbibé d’alcool ou d’acétone, puis l’objet est plongé dans l’eau afin de dissoudre la colle. Les morceaux sont ensuite séchés puis recollés. Le choix des produits utilisés pour renforcer la porcelaine et remplir les brèches éventuelles aura une grande influence sur la qualité du travail de conservation. Autrefois, on utilisait le plâtre ou peut-être de la chaux et du blanc d’œuf. Aujourd’hui, on préfère l’ichtyocolle ou le B72, une résine acrylique.La recréation de la couleur de la glaçure est l’étape capitale du processus et la plus difficile à réussir.
Si la glaçure est relativement fine, on peut appliquer la couleur directement en surface, mais si elle est épaisse, il faudra procéder à une retouche de celle-ci également. Les glaçures diffèrent selon les dynasties : pas question d’utiliser un bleu Ming sur un vase Song ! Yang Yuan-chyuan explique que le NPM utilise souvent des pigments non solubles dans l’eau, en les mélangeant à une quantité appropriée de liant. La préparation est appliquée sur la porcelaine avec un petit pistolet à peinture qui permet d’obtenir une couche uniforme. L’objet ainsi restauré est ensuite cuit pendant 2 h.


La laque


Le NPM possède une magnifique collection d’objets en laque qui nécessite des soins particuliers. La laque est fabriquée à partir d’une résine naturelle.
Au départ, c’est un liquide qui est appliqué au pinceau sur une base en bois, en bambou, en cuivre, voire en textile ou en papier. La laque est une excellente protection pour le matériau de base : extrêmement adhésive, elle résiste aux acides, aux alcalis et aux bactéries, ce lui donne une appréciable longévité, tant qu’elle n’est pas exposée à de grandes variations de température, de lumière ou d’humidité qui causeraient l’expansion ou la contraction de la structure de l’objet. Mais la laque se salit avec le temps, et pour la nettoyer, il faut absolument éviter d’utiliser de l’eau qui pourrait s’infiltrer dans des crevasses et provoquer la déformation de la base. Yang Yuan-chyuan effectue les nettoyages avec un plumeau ou une mèche de laine.





Le papier



Sous la dynastie Han, les peintures et calligraphies étaient en général effectuées sur soie, mais sous la dynastie Song, le papier de coton était devenu le matériau de prédilection des lettrés. Le gros défaut de celui-ci est qu’il devient friable avec le temps et que, en raison de sa finesse, il est plus susceptible de se froisser.
Le papier de soie a lui aussi tendance à se rider si sa trame est soumise à une tension inégale. Un rouleau qui est fréquemment roulé et déroulé ou qui reste accroché au mur trop longtemps risque de se déchirer ou de se déformer. Lai Qingzhong, qui travaille au NPM à la restauration des œuvres sur papier depuis presque trente ans, explique que le papier et la soie sont particulièrement sensibles aux variations de température et d’humidité. L’entretien en est délicat. Par exemple, les trous laissés par les insectes sont comblés, et on compense les faux-plis depuis l’envers. Comme le papier de coton est léger et fin, les œuvres étaient généralement encollées sur une doublure en papier qui leur donnait davantage d’apprêt. Elles étaient ensuite fixées sur un tissu de soie, et des lés de soie ajoutés de chaque côté pour rehausser la peinture. Ces tissus doivent être remplacés tous les cent ans environ. Quant à la doublure de papier, si elle est colorée, mieux vaut ne pas y toucher pour ne pas risquer de détruire l’harmonie des couleurs originelle. Si on décide de la changer néanmoins, c’est avec d’extrêmes précautions qu’il faut procéder, en commençant par le centre et en progressant tout doucement vers les bords. L’œuvre est ensuite séchée dans une chambre noire, avant de recevoir une nouvelle doublure. Le travail de conservation pouvant prendre plusieurs mois, on s’y prend en général un an à l’avance pour les objets destinés à être exposés. Etant donné l’étendue des collections du musée, on imagine aisément que les conservateurs sont très occupés. Les travaux de nettoyage et restauration sont consignés dans tous leurs détails : endroits des interventions, matériaux utilisés, ce qui a été retiré ou ajouté…Outre la patience, la persévérance et l’attention aux détails, la conservation des antiquités nécessite la clairvoyance du scientifique et la sensibilité de l’artiste.
Les conservateurs doivent aussi et surtout être capables d’endurer la solitude.Yang Yuan-chyuan, qui s’apprête à prendre sa retraite, décrit son travail comme un long chemin désert au cœur de la nuit, avec pour seul compagnon un vieil objet qui ne parle ni ne sourit jamais. C’est une solitude comme on rencontre peu en dehors des monastères. Mais la joie de côtoyer des trésors nationaux tous les jours, de communier à travers les siècles avec les grands artistes du passé, et d’assurer la pérennité de leurs œuvres, voilà un privilège qui vaut sans doute tous les sacrifices.





Taipei - National Palace Museum



Source :
Kuo Li-chuan
PHOTOS DE CHUANG KUNG-JU / TAIWAN PANORAMA


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