05 décembre 2019

Taïwan : au coeur de Taipei à vélo !!

Taïwan est un des haut-lieux de l'industrie du cycle. On y produit et l'on y pense l'avenir d'un marché mondial désormais tourné vers les problématiques de mobilité urbaine et le ebike. 


Cyclisme sur route - Ville - A Taipei, en vélo. (DR)


A Taipei, en vélo. (DR)

On descend à peine de l'avion après un long vol et l'on se retrouve, l'esprit encore embrumé par le décalage horaire, au coeur d'un débat dont les protagonistes discutent les modalités d'un monde idéal : c'est le lot des déplacements professionnels, peut-être. Parcourir des milliers de kilomètres pour s'enfermer dans son cadre habituel. En l'occurrence, venus à Taipei à l'occasion du salon Tapei Cycle nous sommes aussitôt immergés dans les problématiques liées à l'avenir de l'industrie du cycle : mobilités douces, objets connectés et villes intelligentes. Mais c'est alors que, si brève que fut la transition de l'aéroport à l'hôtel puis de l'hôtel au salon, l'effort d'imagination exigé par cette projection futuriste est contrarié par les images collectées en chemin, à travers la vitre du bus et du taxi, et qui demande une sorte de vérification.

Mobilité urbaine future et présente

Il y a un hiatus à explorer, entre les projets visant à connecter chacun des innocents pédaleurs que nous sommes au gigantesque cerveau de l'espèce aspirant toutes ses données, et le spectacle incomplet d'une ville réelle, d'une ville de chair grouillant d'humains imparfaits, aussi désordonnés et passionnés, aussi vivants en somme, qu'en n'importe quel point du globe. C'est ici que l'objection nous vient : et si les villes étaient déjà intelligentes - comme organiquement et de toute éternité ?
L'Internet des objets, collectant toutes informations, améliorera peut-être à la fois nos santés et les flux de circulation dans les mégalopoles. Mais pour l'heure, le présent - le réel - résiste et Taipei nous tend les bras. Vacarme, foules, gaz d'échappement et fritures alimentaires des restaurants de rue, béton et plantes vertes passant par toutes les failles, la capitale de Taïwan nous plonge dans un chromatisme et une ambiance singuliers. Bien sûr, l'omniprésence des caractères chinois contribue au dépaysement.
Mais surtout la succession de façades tour à tour rutilantes, flambant neuves, ou défigurées par l'usure et les rangées de climatiseurs. Sur tout ce qui n'est pas verre ou métal le climat subtropical laisse des traces. Les ruelles s'intriquent aux boulevards à quatre voies, les échoppes minuscules se glissent entre les grandes enseignes. Taipei offre l'image d'un bloc de prospérité qu'assaille aux marges et qu'infiltre si bien un habitat populaire, parfois de bric et de broc, qu'aux yeux du touriste les contrastes s'estompent au profit d'une certaine harmonie.

Le Ubike, le Velib' taïwanais. (DR)
Le Ubike, le Velib' taïwanais. (DR)

Aperçu depuis le trottoir, le flot tumultueux de la circulation est intimidant, qui charrie à la fois bus, autos majestueuses et voiturettes éreintées parmi le déferlement d'innombrables scooters. Sous la conduite de Kenny Feng, cycliste émérite, nous décidons néanmoins de louer un vélo - ici le Vélib'se nomme Ubike - et de nous y lancer, comme on jette un canot dans les rapides.
En règle générale, les voies cyclables ne sont pas bien larges, et le plus souvent elles sont partie intégrante des trottoirs. Alors le cycliste s'y sent en sécurité, mais quasiment ramené au rang de marcheur, puisqu'il y est difficile de prendre la moindre vitesse. Aux grands carrefours, il convient de traverser avec les piétons. Il faut donc s'aventurer sur la chaussée pour rouler, ce qui n'est pas absolument périlleux (toute se passe comme si la cohabitation voitures/scooters avait induit le comportement des automobilistes) mais réclame tout de même vigilance.

Une circulation un peu particulière. (DR)
Une circulation un peu particulière. (DR)

Une « culture cycliste » encore marginale

De fait, les « vraies » pistes cyclables longent le fleuve Tamsui et, loin de toute circulation, sont explicitement dédiées aux loisirs : promenades dominicales et sport. Nous sommes partis des larges artères du district de Da'an pour remonter, via Jianguo Road et Civic Blvd, vers l'ouest et le Nord, dans Songshan où, assez subitement, tout se calme. Ces quartiers plus résidentiels sont relativement épargnés par la circulation. Les rues sont bordées d'immeubles bas, aux balcons et fenêtre garnis de plantes et de fleurs.

Une rue typique de Taipei. (DR)
Une rue typique de Taipei. (DR)

Nous roulons côte à côte dans une ambiance « village », entre les petites boutiques de modes et les cafés, et devisons. Kenny est un authentique mordu de cyclisme : il a déjà à son actif une « Étape du Tour » et se prépare pour « Paris-Roubaix Challenge ». Mais à Taïwan, la « culture cycliste, dit-il, n'existe pas vraiment. Nous avons les sites de production, mais nous n'avons pas de courses, donc pas de coureurs. Et comme l'industrie du cycle semblent surtout s'orienter vers les marchés de la mobilité urbaine et du ebike. »
Kenny veut me faire découvrir les « beaux » magasins de vélo. Sous-entendu : pas ceux qui distribuent la production locale (ici bien sûr, Giant est roi). Le magasin de Ben et Abby donne principalement dans le vélo pliant - ici la marque anglaise Brompton trône en majesté, avec quelques selles Brooks et autres accessoires de prestige européens. Ben explique que sa clientèle se compose de « bike geeks » issus des classes moyennes, cyclistes urbains collectionnant parfois les vélos, ou de gens très aisés. « Mais les très riches ne font pas de vélo», ajoute-t-il en souriant.

Une boutique de vélos à Taipei. (DR)
Une boutique de vélos à Taipei. (DR)

C'est à la deuxième halte que je réalise combien Kenny est soucieux de me montrer que les cyclistes d'élite existent à Taïwan. Toujours dans le Songshan, la boutique « Stand by your Side » ne présente que des vêtements cyclistes de luxe (les vélos accrochés dans l'entrée ne sont pas moins luxueux : cadre titane ou carbone, roues et accessoires hyper légers, etc. Mais, ils ne sont pas à vendre sur-place, ce sont ceux des clients ou de « l'équipe » : le lieu sert de camp de base aux sorties d'entraînement). Le patron est absent, mais quelques photos signent ses aventures, notamment la Silk Road Moutain Race dont il est « finisher ».
Au bout de notre périple miniature, revenus dans la furieuse animation du district de Dan'an, nous prendrons le temps d'une discussion plus longue autour d'un verre, au Café Rapha. Hsi Chun Tsai, son manager, compte aussi au rang des avant-gardistes locaux, qui entendent bien propager la bonne parole cycliste sur leur île. « Ici, c'est après ses études, et quand la vie professionnelle vous en donne les moyens, qu'on se met au cyclisme. Les sorties comme celles que nous organisons sont aussi un moyen de socialiser », explique le jeune homme, qui en sait quelque chose, pour avoir passé un an de sa vie à parcourir l'Europe à deux roues, de la Scandinavie à Gibraltar en passant par Naples, dormant au hasard des rencontres. « Le vélo ouvre les portes ». 
Olivier Haralambon, à Taipei
Source L'Equipe et Vélo magazine.

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