16 septembre 2011

Centième année : regards francophones !! (suite)

« UNE ÉVOLUTION REMARQUABLE »


NDLR/ Félicitations particulières à mon ami Kamel pour sa réussite professionnelle à Taiwan.

Franco-Algérien originaire d’Oran, Kamel Benaissa s’est installé à Taiwan après son mariage en 1991 avec Mélodie Su [蘇瓊芬], une Taiwanaise rencontrée à Paris en faculté de chirurgie dentaire. Père de trois enfants, il exerce sa profession à Nangang, à l’est de Taipei. Il est également vice-président de l’Association des Français de Taiwan.

Débuts
J’avais peur. J’allais rentrer. Ce pays n’était pas fait pour moi. Au début des années 90, même si la loi martiale avait été levée, les lois restaient relativement sévères envers les étrangers, les contrôles étaient fréquents. Puis, l’île s’est progressivement ouverte et les choses se sont considérablement améliorées tant en termes d’infrastructures que d’ouverture sur le monde. Surtout, à 32 ans, j’ai appris le chinois. J’ai ainsi pu mieux communiquer avec ma belle-famille. La maîtrise de la langue a été la clé de mon intégration. Aujourd’hui, je suis avant tout admiratif du développement démocratique de Taiwan.
Santé
Depuis la création de l’Assurance-santé universelle, en 1995, le profil des patients venant à notre cabinet s’est considérablement modifié. Si nous avons su conserver les plus fortunés, nous avons aussi vu arriver des gens plus modestes, qui n’ont plus à payer, pour des soins ordinaires, qu’une franchise de 150 dollars taiwanais par visite. Quant aux praticiens taiwanais, même si leur manière de travailler est différente de la mienne (ils consacrent moins de temps à chaque patient), leur niveau est bon. Beaucoup ont été formés aux Etats-Unis ou au Japon. Ici, un dentiste doit savoir tout faire depuis l’orthodontie jusqu’aux implants, cette dernière technique progressant en flèche à Taiwan depuis trois ans. Aujourd’hui, j’ai pour projet de construire un pont entre Taiwan et ma région natale, l’Oranais, en créant une association de formation professionnelle dans le domaine dentaire.

Islam
Je suis musulman et, de ce fait, je côtoie des Taiwanais pratiquant l’Islam. En plus d’un petit nombre dont les familles sont présentes à Taiwan depuis des générations, la plupart sont arrivés dans l’île en 1949 avec Chiang Kai-shek [蔣介石]. Plus récemment, ce sont les travailleurs immigrés d’Indonésie et de Malaisie, principalement, qui sont venus grossir les rangs de cette communauté assez dynamique. A la mosquée de Taipei, les prières sont en arabe mais le prêche est en chinois. Là encore, la maîtrise de la langue est primordiale.


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« L’APPRÉHENSION FAIT VITE PLACE À L'ENTHOUSIASME »


Frédéric Chevassus est architecte. Il est arrivé en 1990 à Taiwan où il suivait son épouse, une pianiste insulaire renommée. Vingt ans après, c’est toujours ici qu’il envisage l’avenir.

Des villes vivantes
Je ne me souviens plus très bien de mes sentiments en arrivant à Taiwan. Ils devaient être comme à l’ordinaire contradictoires, mêlant l’appréhension à l’enthousiasme. Je me souviens par contre d’une crainte qui maintenant me fait sourire : je partais avec la peur de m’ennuyer !

Dans la grosse chaleur de ce début septembre, guidé par mon épouse, j’ai découvert Taipei et les lieux de son enfance. C’est grâce à elle que cette ville m’apparut tout de suite sympathique et accueillante, m’épargnant ce « choc » souvent décrit par les visiteurs étrangers. Je fus rapidement fasciné par son aspect très vivant qui fait tellement contraste avec nos villes européennes momifiées et figées dans leur patrimoine historique. Je découvrais ici, à grande échelle, la modernité que l’on m’avait enseignée à l’école d’architecture : à chaque coin de rue, j’avançais dans les dessins des futuristes italiens ou dans les utopies de Le Corbusier. Définitivement, l’enthousiasme l’emportait sur l’appréhension.
Une capitale qui change
Vingt ans ! Il n’est pas nécessaire d’avoir l’œil de l’architecte pour se rendre compte de la transformation du paysage à Taiwan. La réglementation qui s’étoffe, les volontés qui s’affirment, la spéculation immobilière, le développement des infrastructures, des modes de vie aux exigences plus grandes, tout cela a contribué au changement. L’arrivée du métro de Taipei est un des plus spectaculaires et il a permis de rendre enfin la périphérie accessible. Par contre les résultats de la spéculation immobilière ne sont pas toujours aussi positifs pour le développement urbain. Un peu partout, des blocs de résidences de standing apparaissent sans se soucier de l’environnement qui les reçoit. Ainsi, de grands rez-de-chaussée hautement sécurisés tuent les cœurs d’îlots et brisent les arcades le long des avenues.

Une carte formidable à jouer
L’émancipation des goûts esthétiques propres à Taiwan s’affirme. Les nouvelles générations ne se contentent plus d’une pâle imitation venue de l’Occident. C’est un long chemin et j’admire le travail d’architectes comme Wang Ta-hung [王大閎] et Yu Chao-chuan [喻肇川] qui par leur intelligence ont su enrichir cette culture. Ils donnent une base certaine à l’identité de cette île. J’espère beaucoup en l’avenir de Taiwan. En montrant au monde qu’il est possible de surpasser les clivages de l’Histoire dans un développement démocratique, l’île a dans sa main une carte formidable à jouer.

Propos recueillis par Hubert Kilian et Pierre-Yves Baubry sur Taiwan Aujourd'hui.


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